Cumul de fautes commises par une personne publique et une personne privée
Publié le :
03/03/2023
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Le droit public consacre le principe de cumul des responsabilités pour fait de service et pour fait personnel, à travers la jurisprudence Anguet (CE, Sect., 03/02/1911, n°34922).
Il résulte de cette jurisprudence, que la responsabilité de l’Administration pour faute de service peut être engagée simultanément à celle de l'agent pour faute personnelle, dans de certaines conditions, lorsque la faute personnelle d’un agent vient se greffer sur une faute de service.
Pourtant, la question concernant le cumul de responsabilité d’une personne publique et d’une personne privée, indépendantes l’une de l’autre, mais ayant commis une faute concourant à même un dommage, connaît quelques soubresauts jurisprudentiels.
En 2016, il était reconnu que la victime dont le dommage trouvait sa cause dans plusieurs fautes commises par des personnes différentes, pouvait rechercher la responsabilité d’une seule d’entre elles (CE 02/05/2026, n°383044), avant de finalement considérer que le caractère libéral d’une consultation médicale faisait obstacle à ce que soit engagée la responsabilité du centre hospitalier dans lequel elle avait eu lieu, en raison d’éventuels manquements du praticien au cours de cette consultation (CE 13/11/20219, n°420299), puis d’accepter que la responsabilité de l'établissement public de santé puisse être engagée (CE 06/10/2022, n°446764).
Sujet dont a été une nouvelle fois saisi le Conseil d’État le 21 janvier dernier, à l'occasion d'un avis sollicité par le tribunal administratif d'Amiens, sur le fondement de l’article L 113-1 du code de justice administrative.
Dans cette affaire, une femme avait saisi la juridiction administrative afin de voir condamner le groupe hospitalier à réparer les préjudices qu’elle avait subis durant sa grossesse, compte tenu de sa prise en charge par ce groupe, personne de droit public, sans rechercher la responsabilité du praticien à l’origine du dommage, quant à lui personne privée.
Le Tribunal administratif de D’Amiens avait alors posé la question suivante :
« 1°) En cas de cumul de fautes, commises l’une par une personne publique, l’autre par une personne privée dont l’appréciation de la responsabilité relève du juge judiciaire, et qui portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, le juge administratif saisi par la victime de conclusions se fondant sur un partage de responsabilité entre co-auteurs, peut-il déterminer la part de responsabilité devant incomber à la personne publique attraite devant lui à l’issue d’un tel partage ou doit-il écarter le partage de responsabilité demandé par la victime et condamner la personne publique, dans la limite de la somme demandée, à réparer intégralement le dommage, à charge pour elle, le cas échéant, d’exercer une action récursoire »
Les juges du Palais-Royal apportent une réponse en trois temps.
Premièrement, « lorsqu’un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher devant le juge administratif la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l’une de ces personnes à réparer l’intégralité de son préjudice ». La Haute juridiction ajoute que l’un des coauteurs ne peut alors s’exonérer, même partiellement, de sa responsabilité en invoquant l’existence de fautes commises par l’autre coauteur.
Au regard de cette première constatation, le Conseil d’État juge que « la victime peut demander la condamnation d’une personne publique à réparer l’intégralité de son préjudice lorsque la faute commise portait normalement en elle le dommage, alors même qu’une personne privée, agissant de façon indépendante, aurait commis une autre faute, qui portait aussi normalement en elle le dommage au moment où elle s’est produite ». Avant de préciser qu’il n’y a « pas lieu de tenir compte du partage de responsabilité entre les coauteurs, lequel n'affecte que les rapports réciproques entre ceux-ci, mais non le caractère et l'étendue de leurs obligations à l'égard de la victime du dommage. Il incombe à la personne publique, si elle l'estime utile, de former une action récursoire à l'encontre du coauteur personne privée devant le juge compétent, afin qu'il soit statué sur ce partage de responsabilité »
In fine, il appartient au juge de « déterminer l’indemnité due au requérant, dans la limite des conclusions indemnitaires dont il est saisi, laquelle s’apprécie au regard du montant total de l’indemnisation demandée pour la réparation de l’entier dommage, quelle que soit l’argumentation des parties sur un éventuel partage de responsabilité ».
Un avis rendu dans l’intérêt des victimes, qui écarte ici tout partage de responsabilité entre les coauteurs, excluant toute mise en cause de la personne privée et condamnant la personne publique à la réparation de l’entier dommage, au motif que cette dernière dispose de la faculté de former une action récursoire à l’encontre du coauteur personne privée.
Référence de l’avis : CE du 20 janvier 2023, 5ème et 6ème chambre réunies, n°468190 - Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Historique
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