Interruption du versement de la rémunération d’un agent ayant produit un avis médical dans un contexte de grève
Publié le :
25/05/2023
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Aux termes de l’ancien article 3 de l’ordonnance du 6 août 1958, relative au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire : « Toute cessation concertée du service, tout acte collectif d’indiscipline caractérisée de la part des personnels des services extérieurs de l’administration pénitentiaire est interdit » (dispositions codifiées à l’article L.114-3 du Code général de la fonction publique, depuis le 1er mars 2022).
Pourtant, l’administration et notamment les services pénitentiaires n’échappent pas aux mouvements sociaux, et le Conseil d’État a récemment été chargé de répondre aux conséquences sur la rémunération des agents tentés de contourner cette interdiction, en fournissant des arrêts maladie pour la période couvrant la grève réalisée dans le service.
Dans cette affaire, plusieurs surveillants d’un centre pénitentiaire avaient transmis à leur administration des avis médicaux pour une interruption de travail de plusieurs jours, lesquels couvraient l’intervalle allant de la fin janvier au début février 2018, période au cours de laquelle leur établissement d’affectation était confronté à un important mouvement social.
Le directeur interrégional des services pénitentiaires responsable avait en conséquence effectué des retenues de treize trentièmes sur les traitements des agents, mais ces décisions avaient été annulées par le Tribunal administratif d’Amiens, retenant « que seuls pouvaient être regardés en situation d’absence irrégulière les agents pénitentiaires qui soit s’étaient absentés sans produire de certificat médical, soit avaient refusé de se soumettre à une contre-visite médicale ordonnée par l’administration et en a déduit que l’appel au blocage des établissements pénitentiaires par plusieurs syndicats et le nombre anormalement élevé des arrêts de travail d’agents pénitentiaires au cours de la période du 21 au 31 janvier 2018 ne pouvaient suffire à établir, en l’absence de tout autre élément, l’impossibilité matérielle d’organiser des contre-visites ». La juridiction de premier degré reprochait à l’administration, d’avoir à tort, soupçonné que les attestations médicales fournies par les fonctionnaires constituaient des actes de complaisance, destinés à échapper à l’interdiction de grève, en se déclarant en congés maladie.
Le garde des Sceaux a alors formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.
Au visa de l’article 3 de l’ordonnance du 6 août 1958, tel que rappelé en introduction, et des articles L 822-1 à L 822-5 du Code général de la fonction publique relatifs aux congés des fonctionnaires pour raison de santé, d’accidents de services et de maladies professionnelles, les sages jugent qu’en statuant comme il l’a fait, le Tribunal administratif a commis une erreur de droit, car : « l’administration ne peut en principe interrompre le versement de la rémunération d’un agent lui demandant le bénéfice d’un congé de maladie en produisant un avis médical d’interruption de travail qu’en faisant procéder à une contre-visite par un médecin agréé. Toutefois, dans des circonstances particulières, marquées par un mouvement social de grande ampleur dans une administration où la cessation concertée du service est interdite, et la réception d’un nombre important et inhabituel d’arrêts de travail sur une courte période la mettant dans l’impossibilité pratique de faire procéder de manière utile aux contre-visites prévues par l’article 25 du décret du 14 mars 1986, l’administration est fondée, dès lors qu’elle établit que ces conditions sont remplies, à refuser d’accorder des congés de maladie aux agents du même service, établissement ou administration lui ayant adressé un arrêt de travail au cours de cette période. Ces agents peuvent, afin de contester la décision rejetant leur demande de congé de maladie, établir par tout moyen la réalité du motif médical ayant justifié leur absence pendant la période considérée. Ils peuvent également, malgré l’absence de contre-visite, saisir le conseil médical, qui rendra un avis motivé dans le respect du secret médical ».
Ainsi, l’administration qui reçoit un nombre important et inhabituel d’arrêts maladie d’agents d’un même service et sur une même période, lorsqu’elle justifie de conditions particulières, notamment un mouvement social de grande ampleur dans une administration où la cessation concertée du service est interdite, de sorte qu’elle se trouve dans l’impossibilité pratique de faire procéder de manière utile aux contre-visites, est par conséquent fondée à refuser d’accorder lesdits congés maladie.
Les fonctionnaires quant à eux ne sont pas privés de voie de recours, puisqu’outre la saisine du conseil médical pour avis, fondés à établir, par tout moyen, la réalité du motif médical objet de leur arrêt.
Référence de l’arrêt : CE du 21 avril 2023, 6ème et 5ème chambres réunies, n°450533 - Mentionné aux tables du recueil Lebon
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